Analgésie

La douleur, comme le plaisir, est inhérente à notre expérience terrienne. Et surtout, elle est une information, qu’il est primordial d’écouter.
La faire taire c’est rompre l’équilibre même de la VIE. Et on en paye toujours le prix cher.

Notre société refuse la douleur, nous ne voulons ni la ressentir, ni écouter ses messages, nous ne l’acceptons pas chez nous, et nous sommes incapables de l’accompagner chez l’autre.
La plupart d’entre nous sommes littéralement drogués depuis notre naissance (parfois avant).

Un bébés né sous péridurale ou autre forme d’analgésie est tout aussi, voire probablement davantage étant donnée l’immaturité de son système, anesthésié que sa mère.
On ne sait pas si la naissance physiologique est douloureuse pour l’enfant qui naît mais elle est certainement intense, c’est un passage extraordinaire, quelles que soient les sensations ressenties à ce moment là, elles ont un sens, elles sont fondatrices, nous avons été « designés » pour vivre ça. Être privé de l’expérience complète de sa propre arrivée sur terre ne peut pas être sans conséquence.

Pas beaucoup plus tard bébé sera drogué dès qu’il aura un peu de fièvre (qui est un processus physiologique réparateur qu’on ne devrait pas perturber), et même lorsque ses dents pousseront !
Sérieusement, quoi de plus naturel, physiologique et bénin que la poussée dentaire ? Au contraire des substances utlisées pour « calmer » le bébé, qui elles comportent de nombreux risques et effets secondaires néfastes. Et pourtant tout le monde drogue son bébé qui fait ses dents ! Croyez vous sincèrement que le petit mammifère humain n’est pas capable de supporter la poussée de ses dents ? Franchement ?
Evidemment que si, ce sont les parents qui ne sont pas équipés pour accompagner cet inconfort là, nous ne savont pas être temoin de l’intensité de la vie, nous préférons la faire taire.

Voilà, ça commence comme ça, depuis tout petit privé de l’expérience complète de la vie même.
Rendu silencieux et engourdi, c’est comme ça qu’on démarre, même quand on tombe dans une famille aimante et bien-traitante.

La suite est à l’avenant.
Chaque symptôme, chaque « mal a dit » sera étouffé à coup de chimie. On n’écoutera jamais le corps qui s’exprime car on n’a pas appris à le comprendre, on le croit défectueux d’origine. On ignorera complètement qu’il n’est pas qu’un véhicule mais aussi le messager de notre âme.

Plus tard on aura accès à l’alcool et toute la panoplie des drogues récréatives, les écrans, les jeux, les anti-dépresseurs pour éteindre nos émotions quand elles débordent du cadre restreint auquel on a été habitué.
On détournera même des choses saines et belles comme la nourriture, le sexe, le sport pour en faire des « buffers » aussi.

Et puis quand viendra notre tour d’être mère, évidemment on ne sera pas prête à supporter l’intensité du processus de l’enfantement. On optera pour l’analgésie de plein gré ou à contre coeur faute d’un accompagnement approprié et le triste cycle de la vie sous anesthésie recommencera.

Ce n’est pas notre faute. Nous sommes nées dans une société dont les lois et coutumes vont à l’encontre de la vie même. Ce n’est pas facile d’en prendre conscience car tout, tout le temps, nous pousse à la recherche de la gratification immédiate et à la fuite de l’inconfort. Nous ne savons pas plus accueillir la vie qui s’en vient que nous ne savons accompagner la mort et le deuil.

Clairement la plupart d’entre nous partons avec un gros handicap mais la vie est généreuse et n’abandonne jamais. Elle n’a de cesse de nous contacter, de mettre en travers de nos chemins des messages et des cadeaux qui à nos yeux ont plutôt l’air d’obstacles et de malédictions (haha, toi même tu sais), pour nous permettre de revenir à nous et aux lois qui régissent notre nature.

Nous pouvons prendre conscience de cette absurde pantomine qu’est la vie en société aujourd’hui, il n’est jamais trop tard pour ouvrir les yeux et et briser le cycle.

Nous pouvons cesser de médiquer nos inconforts. Nous pouvons accompagner avec empathie nos enfants, nos proches dans leur peine, quelle qu’elle soit, sans chercher à les en débarrasser. On peut leur faire ce cadeau là, leur offrir la confiance, leur rendre leur pouvoir, leur dire simplement avec des gestes ou des mots : « je suis là pour toi, je sais que tu as tout en toi pour traverser ce qui t’arrive, je t’aime, je te vois ».

On peut surmonter nos peurs, notre conditionnement, en se faisant accompagner si besoin pour déconstruire nos croyances, et mettre au monde nos enfants en acceptant de tout ressentir, leur permettre de vivre leur naissance dans sa totalité et nous autoriser à renaître à nous-même, découvrir notre vraie force, notre puissance.

Mama tu n’as pas besoin d’assistance, ni d’anesthésie pour mettre au monde ton enfant, tu es née pour ça, tu as toutes les ressources en toi, je suis là pour toi si tu en as envie, je t’aime, je te vois.

On pourrait croire que cette volonté omniprésente de soulager notre douleur part d’une intention bienveillante mais c’est faux, quand on retire à quelqu’un sa capacité à traverser l’inconfort, on lui retire son pouvoir.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *